Cette semaine, laissons la place à Joseph Morlent qui nous présente sa vision de l’entrée du port.
Heureux le port auquel s’applique ce vers de l'auteur de Zaïre ! le nautonnier y aborde sans crainte, et les tempêtes ébranlent la couche de l’armateur et de l’assureur timide sans leur causer d’insomnie. Le port du Havre doit tout à l’art, et si l’art lui manquait, la Hève jalouse, déchirée par les tourmentes, comblerait aussitôt de ses débris cette voie étroite qui porte au sein de la ville les eaux de la Seine mêlées avec les eaux de l’Océan. Une longue jetée le protège contre sa furie, s’oppose à ses envahissemens [sic], et veille pour le salut du navigateur ; la nuit, le phare qui la termine sert de point de reconnaissance aux navires qui viennent de la haute mer; le jour, d’ingénieux signaux, placés à la cime d’un mât, leur montrent le chemin et leur disent, dans un langage qui n’est point équivoque : Entrez !... la mer est assez profonde ici pour vous conduire, sans encombre, au terme de votre voyage ; ou : Fuyez !... fuyez vite !... le naufrage vous attend au port.
Et malgré tant de prévoyance et de sollicitude, combien de fois, aux approches ou au déclin de la saison hiémale, lorsque les vents déchaînés soulèvent les flots et font jaillir en berceau l’onde écumante sur ce môle impassible, combien de fois la tempête n’a-t-elle pas broyé, sur les cailloux qui hérissent l’entrée du port, les flancs du navire échappé aux mains tutélaires du pilote !
Empressez-vous de la visiter cette jetée, à la plate-forme granitique, voyageurs que le besoin d’impressions nouvelles amène au milieu de nous, ou qui êtes accourus pour donner le premier bonjour à un parent, à un ami arrivant, à travers mille périls, des bords lointains de l’Amérique ou des Indes.
C’est de ce point fixe, de son mobile panorama, que la mer vous montrera ses merveilles ; vous saluerez au départ une flottille aux voiles blanches, que, favorisée par le vent d’Orient, vous verrez bientôt disparaître à l’horizon; ou, les premiers, vous verrez poindre sur ce même horizon, et vous contemplerez au retour les nombreux navires que la Manche a long-temps tourmentés de ses eaux clapoteuses, et que la brise d’ouest nous amène chargés des produits des deux mondes : ils passeront à vos pieds ; vous entendrez les commandemens [sic] du capitaine, écho momentané d’un guide aux formes rudes qui en dirige les mouvemens [sic] ; et, grâce à son pavillon déployé, votre œil pourra suivre, dans sa route sinueuse, la marche de chaque navire, jusqu’à ce que, entré dans les bassins, il aille se confondre avec les mille bâtimens [sic] qui en forment la curieuse et mobile population.
Texte extrait de l’ouvrage Souvenirs Pittoresque du Havre et de ses environs (TOUR138)
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