Dans ses nombreux écrits, Jospeh Morlent décrit la ville du Havre. Une nouvelle fois, nous vous proposons ici un extrait de son ouvrage Souvenirs pittoresques du Havre et de ses environs.
Le port du Havre avait, il y a quelques années, des établissemens [sic] de la marine nationale, lesquels ont été convenablement transportés à Cherbourg ; et c’est à ce tardif changement que la ville est redevable de cet air de vie et de jeunesse qui n’échappe point à l’œil observateur. Où se trouvent la marine militaire et la marine du commerce, il y a presque toujours collision, désaccord : la première, orgueilleuse, taquine et superbe , s’arroge à tout propos le pas et la suprématie sur la seconde, qui, adroite, cauteleuse et lente à procéder, finit presque toujours par expulser sa pompeuse rivale : c’est ce que nous avons vu ici. La marine nationale avait envahi à peu près la moitié du Havre ; ses arsenaux, ses ateliers, ses forges étaient logés fort à l’aise, quand on mesurait l’air et l’espace aux pauvres commerçans [sic] ; mais ces pauvres commerçans [sic], devenus riches, ont élevé la voix, et voici que les forges, les ateliers, les grilles, les clôtures, se sont écroulés comme les murs de Jéricho au son de la trompette de Josué.
L’arsenal, dont nous offrons ici le dessin, est resté debout au milieu de tant de ruines. Il a changé son nom de guerre et se fait appeler tout bonnement l’Administration de la Marine ; il a gagné à cette métamorphose d’être vu et connu ; édifice aristocrate, il se trouvait enfermé dans de bonnes murailles, et si, à de longs intervalles, on se doutait qu’il existât, c’était aux fêtes royales ; il se réjouissait au milieu de ses illuminations stéréotypées.
C’est un monument colifichet, trop petit pour les grands noms qui en décorent la façade :
JEAN BART, DUQUESNE, TOURVILLE, DUGUAY-TROUIN.
C’est pourtant le seul, à l’exception de la Porte Royale, qui ait exercé le ciseau du sculpteur, et ce sculpteur n’était pas un Jean Goujon... J’en appelle aux bas-reliefs encadrés au-dessus des croisées.
L’ensemble de cet édifice serait néanmoins assez gracieux s’il n’avait plu à quelque administrateur furieusement ennemi de l’harmonie architecturale d’en défigurer la symétrie par l’ajustage, à l’aile droite, d’un prolongement qu’on devrait se hâter de supprimer pour ne pas prêter à rire aux malins qui veulent absolument qu’entre le commerce et les arts il y ait incompatibilité d’humeur.
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