Estampe, extrait de La France maritime, 1837-1842, tome 3,
Musées d’art et d’histoire du Havre, MA. 1888.1.7.
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Un témoignage sur les conditions de la traversée
Alexander Falconbridge (vers 1760-1792) fait, de 1780 à 1787, quatre campagnes comme chirurgien (médecin) à bord de navires négriers. Devenu par la suite abolitionniste et membre de l’Anti-Slavery Society [Société anti-esclavagiste britannique], il publie en 1788 son témoignage dans un ouvrage devenu célèbre sous le titre An account of the Slave Trade on the Coast of Africa.
Le temps entre l’arrivée des navires et leur départ dure en général environ trois mois. [...] Le nombre total d’esclaves à bord dépend totalement des circonstances. Je me souviens qu’une fois, lors d’un voyage que j’ai effectué, notre cargaison s’élevait à la fin des transactions à environ trois cent quatre-vingts nègres tandis que le capitaine en espérait jusqu’à cinq cents.
Les hommes nègres amenés à bord sont aussitôt entravés deux par deux avec des menottes aux poignets et des fers rivetés aux chevilles. Ils sont descendus ensuite sur le pont inférieur et placés dans un compartiment cloisonné à cet effet. Les femmes aussi sont placées dans des compartiments séparés sur le pont inférieur, mais sans être aux fers. Une pièce adjacente sur le même pont est aménagée pour les garçons. Ainsi, ils sont tous installés dans différents compartiments cloisonnés du pont inférieur. Il faut dire toutefois qu’ils sont fréquemment arrimés si serrés que cela ne leur permet pas d’autre position que d’être couchés sur le côté. Et la hauteur du plafond leur interdit de se tenir debout […]
Dans chaque compartiment sont placés trois ou quatre seaux de forme conique [...]. Les nègres y ont recours en cas de besoin. Il arrive souvent que ceux qui sont placés loin des seaux tombent sur leurs compagnons en s’y rendant à cause de leurs entraves. Ces accidents, bien qu’ils soient inévitables, sont à l’origine de querelles continuelles dans lesquelles certains d’entre eux sont toujours contusionnés. Dans cette situation de détresse, incapables d’entreprendre, ils évitent donc d’aller au seau, ils cessent leurs tentatives et quand ils ne peuvent plus résister aux besoins de la nature, ils se soulagent là où ils sont couchés. Cela devient une source d’affections comme des furoncles et des dérangements intestinaux, et tend à rendre la condition de ces pauvres captifs encore plus inconfortable. [...]
Aux environs de huit heures du matin, les nègres sont généralement montés sur le pont. Une fois leurs fers soigneusement examinés, une longue chaîne, laquelle est verrouillée à une manille fixée au pont, est filée à travers les anneaux des bracelets des hommes puis verrouillée à une autre manille. Par ce moyen, cinquante, soixante esclaves et quelquefois davantage encore sont attachés à une chaîne dans le but d’empêcher tout soulèvement ou tentative d’évasion. Quand le temps est favorable, ils sont dégagés des chaînes et autorisés à rester sur le pont jusqu’à quatre ou cinq heures de l’après-midi puis ils sont renvoyés en-dessous. […].
Ils sont communément nourris deux fois par jour, vers huit heures le matin et vers quatre heures de l’après-midi. [...] D’innombrables querelles surviennent pendant leur repas ; surtout quand ils sont rationnés, ce qui arrive souvent quand la traversée entre la Côte de Guinée et les Antilles est d’une longueur inhabituelle. Dans ce cas, les faibles sont obligés de se contenter d’une très maigre portion. Leur ration d’eau est d’environ une demi-pinte par personne à chaque repas.
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