Original de la charte de Henri II, confirmation des privilèges de franc-salé au Havre, Fontainebleau (22 mai 1555).
Les lettres-patentes d’octobre 1549, par lesquelles Henri II restreignait les prérogatives des habitants du Havre de Grâce relatives au sel, eurent des conséquences fâcheuses. Plusieurs marchands, estimant qu’ils ne pouvaient plus commercer dans de bonnes conditions, abandonnèrent la ville. Ceux qui restèrent s’adressèrent au roi : ils lui rappelèrent que leur venue en ce lieu avait été essentiellement motivée par la concession, par son père, de nombreux privilèges comprenant le franc-salé, exemption de la taxe sur le sel. Comprenant que s’il n’agissait pas en leur faveur très rapidement, Henri II verrait le port de Grâce déserté et livré aux caprices de la mer, il délivra à ses habitants, le 22 mai 1555, de nouvelles lettres-patentes qui annulèrent les restrictions de 1549.
Henri par la grâce de Dieu roi de France, à tous ceux qui verront ces présentes lettres, salut. Comme nos chers et bien aimés bourgeois, manants et habitants de notre ville Françoise de Grâce nous ont fait entendre, ainsi qu’à notre conseil privé, que notre défunt seigneur et père le roi dernier décédé, que Dieu absolve, et premier inventeur et constructeur de cette ville, avait pour grand intérêt en son temps de peupler cette ville et d’y faire habiter un bon nombre de marchands et artisans. Il aurait, pour ce faire, en l’an mil cinq cent vingt (1), par avis et délibération des princes de son sang et d’autres gens de son conseil privé, donné occasion à ceux qui auraient voulu y vivre de bénéficier des mêmes privilèges, franchises, libertés et droits que les habitants de Dieppe. Ainsi, il leur a octroyé le franc-salé pour tout le sel qu’ils voudront, tant pour leur maison que pour saler les poissons et toutes autres sortes de marchandises utilisées pour leurs affaires diverses.
Ces dits privilèges ont été publiés et vérifiés par notre Chambre des Comptes à Paris, par notre Cour de Parlement et par nos généraux en Normandie, et confirmés à notre avènement à la couronne. Les suppliants en auraient toujours jouit, sans troubles, jusqu’à récemment : souscrivant à la requête d’Antoine Du Bosc, marchand adjudicataire du grenier à sel de la ville de Grâce, désirant que le sel nécessaire aux habitants soit pris dans son grenier et distribué de ses mains, nous aurions, le onze octobre mil cinq cent quarante-neuf, fait expédier des lettres patentes confirmant aux habitants l’exemption du droit de gabelle sur le sel utilisé pour leurs maisons et la salaison de leurs marchandises de poisson, mais restreignant leurs prérogatives, qui sont alors devenues moins importantes que celle de Dieppe, alors qu’elles étaient les mêmes à l’origine. Ils sont donc venus humblement nous supplier de remédier à cette situation. La concession de ces privilèges et du franc-salé pour toutes marchandises étant la principale raison de leur venue en la ville de Grâce. Ils ont dû cesser d’y commercer après ces restrictions, perdant leur principal moyen de vivre. La ville n’étant plus décemment approvisionnée, et nos navires de guerres, autres navires et mariniers n’étant plus entretenus, les habitants ont été contraints de quitter la ville pour retourner dans leurs anciens domiciles. Le port et havre de Grâce, dans un tel état de ruine et abandonné, et sans le soin et la vigilance des habitants qui s’en sont toujours occupés, sera recouvert de pierres, de sable et d’autres choses attirées en son sein par la mer (2). Comme il nous plaît de récompenser leurs attentions pour ce havre qui nous est très précieux, nous souhaitons confirmer le privilège du franc-salé sur toutes leurs marchandises, accordé aux habitants par notre seigneur et père décédé, et pour cela nous leur donnons les lettres-patentes nécessaires. Nous faisons savoir que nous répondons favorablement à la requête des bourgeois, manants et habitants suppliants, envers lesquels nous voulons être bienveillant, tout comme l’a été notre père, et ce pour les remercier de la bonne volonté, affection et obéissance qu’ils nous ont toujours montré par le bon entretien de la ville et par la subvention de nos affaires. Nous, par avis et délibération des gens de notre conseil privé, pour cela et pour certaines autres bonnes et justes raisons, nous avons dit, déclaré, voulu et ordonné, disons, déclarons, voulons et ordonnons, par notre certaine science, grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale que, par ces présentes lettres, les suppliants de la ville Françoise de Grâce et leurs successeurs jouissent toujours de leur franc-salé et de leurs privilèges, tant qu’ils résideront en ce lieu. Les lettres du 11 octobre 1549, que nous annulons, et d’autres éventuelles lettres contraires à cette décision n’auront plus aucun effet, pour qu’aucun habitant de Grâce ne soit troublé dans l’exercice de ses prérogatives. Nous demandons à nos aimés et dévoués généraux conseillers des finances et des impôts à Rouen et à Montivilliers, aux receveur et contrôleur du magasin à sel de notre ville Françoise de Grâce et à tous nos autres justiciers, officiers et à leurs lieutenants d’appliquer le contenu de ces présentes lettres et de laisser en jouir les suppliants, pleinement, paisiblement et sans troubles, sans tenir compte des oppositions dont nous ne voulons entendre parler. Car tel est notre plaisir, Données à Fontainebleau le vingt-deuxième jour de mai mil cinq cent cinquante-cinq, la neuvième année de notre règne. Par le Roi et l’évêque d’Angoulême maître des requêtes ordinnaires de l’hôtel, présent. Burgensis (3) ANNOTATION (XVIe). Ces présentes lettres ont été enregistrées aux grefs de la Cour des Comptes et finances en Normandie […]. 1. Lettres datées d’août 1520, octroyant pour la première fois à perpétuité les privilèges aux habitants du Havre. François Ier la fit écrire au lieu de Grâce même, qu’il était venu voir. 2. Guillaume de Marceilles, dans ses Mémoires, nous apprend en effet que « ce havre est quelque fois bouché par l’afflux de galets que la mer y conduit, qui le comble par vent d’ouest. Il convient par nécessité de déboucher ce port, tant à l’aide du travail des bourgeois et habitants de la ville, qu’à l’aide d’un grand et rapide cours d’eau coulant en abondance d’une retenue fermée par une écluse, que nous appelons la Grande Barre ». 3. Burgensis ou Bourgeois. Il s’agit probablement du fils du premier médecin de François Ier. Il fut pourvu de l’office de Secrétaire d’Etat et l’exerça vers 1540.
l.1 Henry par la grace de dieu roy de France a tous ceulx qui ces p[rese]ntes verront salut, comme noz chers et bien amez les bourgeois manans et
l.2 habitans de n[ost]re ville françoise de grace nous ayent et a n[ost]re prive conseil faict entendre que deffunct n[ost]re tres honnore Sr [seigneur] et pere le roi dernier decede que dieu absolve premier inventeur et constructeur de lad. ville ayant singuliere
l.3 affection de son temps la veoir peuplee et habituee dung bon nombre de marchans et artisans auroit pour donner occasion a ceulx qui se y vouldront habituer et retirer en lan cinq cens vingt par advis et delibera[ti]on des princes de son
l.4 sang et aultres de son conseil prive voullu et ordonne que ceulx qui habiteroient en lad.ville eussent telz et semblables previlleges franchises libertez et droictz que les habitans de n[ost]re ville de dieppe mesmes leur franc saller pour
l.5 le sel qui leur conviendroit tant pour lestaurement et fourniture de leurs maisons que pour saller les poissons et aultres sortes de marchandises dont ilz feroient trafficq desquelz previlleges qui auroient este publiez et
l.6 veriffiez tant en n[ost]re chambre des comptes a Paris que court de parlement et generaulx en Normandie iceulx supplians auroient tousiours joy et en iceulx a n[ost]re nouvel advenement a la couronne este continuez et confirmez sans y avoir
l.7 este troublez ni inquietez jusques a puisnagueres que sur certaine requeste a nous presentee par anthoine du bost marchant adiudicataire du grenier a sel de lad[icte] ville de grace voullant le sel necessaire ausd[ictz] habitans supplians
l.8 estre prins en son grenier et distribue par ses mains aurions le onziesme octobre cinq cent quarante neuf faict expedier noz l[ect]res patentes par lesquelles aurions declaire iceulx habitans estre exemptz de tout droict de
l.9 gabelle pour le sel qui leur conviendroit pour la fourniture de leurs maisons et sallaige de leurs marchandises de poissons seullement qui seroit restraindre leursd[ictz] previlleges et les faire de pire condition que les dictz
l.10 habitans de dieppe combien quilz aient mesmes previlleges au moien dequoy ilz se seroient retirez par devers nous et humblement faict supplier et requerir ayant esgard que la principalle cause qui les a attirez en lad[icte] ville pour
l.11 y resider a este la concession desd[icts] previlleges cessant lesquelz mesmes led[ict] franc saller pour toutes marchandises Il leur conviendroit quicter le trafficq dicelle et en consequence perdre leur principal moien de vivre lad[icte]
l.12 ville non envictuaillee ny semblablement noz navires de guerre nulz navires ne mariniers entretenuz audict trafficq de marchandise Iceulx supplians contrainctz quicter et abandonner lad[icte] ville et eulx retirer en leurs
l.13 premiers domicilles et demeures qui leur reviendroit a totalle ruyne et a nous un interest inestimable pour la consequence que led[ict] port et havre nous importe et a n[ost]re royaulme estant subiect a estre couvert et remply
l.14 de pieres sable et aultres choses attirees en icelluy par la mer sans le soing continuelle vigillence et devoir que lesd[icts] habitans font en la vuidange dicelluy n[ost]re plaisir soit les faisant ressentir du bien que n[ost]red[ict]
l.15 feu sr [seigneur] et pere leur a liberalement concede et octroie par led[icts] previllege, les continuer en icelluy pour le regard dudict franc saller en toutes leurs marchandises ainsi que les habitans de n[ost]red[icte] ville de dieppe et sur a
l.16 faire declara[ti]on de noz voulloir et intention et leur impartir noz l[ect]res necessaires Scavoir faisons que nous Inclinans liberalement a la supplica[ti]on et requeste desd[ictz] bourgeois manans et habitans supplians les
l.17 voullans en ce favorablement traicter et les faire ressentir du bien a eulx octroye par n[ost]red[ict] feu sr [seigneur] et pere pour la bonne volunte affection et obeissance quilz nous ont tousiours monstree par effect tant a la garde et
l.18 entretenement de lad[icte] ville que subvention de noz affaires Nous par advis et delibera[ti]on des gens de n[ost]re prive conseil, et pour certaines aultres bonnes justes causes raisons et considera[ti]on a ce nous mouvans
l.19 Avons dict et declaire voullu et ordonne, disons declairons ordonnons, voullons et nous plaist et de n[ost]re certaine science grace sp[eci]al plaine puissance et auctorite royal par ces p[rese]ntes que lesd[icts] bourgeoys
l.20 manans et habitans de lad[icte] ville françoise de grace supplians et leurs successeurs tant et si avant quilz seront residens en icelle ville, ayent et prennent doresnavant et pour ladvenir a tousiours leurd[ict]
l.21 franc saller tant pour leurs estauremens que marchandises quelzconques, joissent et usent de tous telz et semblables previlleges franchises et [abréviation] libertez que les habitans de n[ost]red[icte] ville de dieppe pour leurd[ict] franc saller ainsi que
l.22 le contient le previllege a eulx octroye par n[ost]red[ict] feu sr [seigneur] et pere que nous voullons et entendons avoir lieu sortir effect et estre entierement entretenu garde et observe Sans ce que par le moien sesdictees
l.23 l[ect]res dud[ict] Xie octobre vc [cinq cens] xlix [quarante-neuf] cy dessus mentionnees et aultres qui pourroient par cy apres estre concedees au contraire Ilz ne aulcun deulx y puissent estre troublez ne empeschez ains avons pour ce
l.24 regard icelles l[ect]res revocquees et revocquons par cesd[ictes] p[rese]ntes par lesquelles donnons en mandement a noz amez et feaulx les generaulx conseillers par nous ordonnez tant sur le faict de noz
l.25 finances que de la justice de noz aides a rouen, Aux esleuz sur le faict dicelles monstivillier receveur, et contreroolleur du magazin a sel de n[ost]red[icte] ville francoise de grace, et a tous noz aultres justiciers
l.26 officiers leurs lieutenans et a chacun deulx sicomme a luy appartiendra que noz p[rese]n[t]s declara[ti]ons voulloir intention et contenu en ces dictes presentes, Ilz facent seuffrent et laissent lesd[icts] bourgeois manans
l.27 et habitans supplians et leurs successeurs, joyr et user plainement et paisibblement cessans ou faisans cesser tous troubles et empeschemens a ce contraires, et a ce faire souffrir et obeyr contraignent
l.28 et facent contraindre tous ceulx quil appartiendra et qui pour ce feront a contraindre par toutes voyes et manieres deues et raisonnables Nonobstant oppositions ou appella[ti]ons quelzconques, et sans preiudice dicelles
l.29 pour lesquelles ne voullons estre differe Car tel est n[ost]re plaisir, nonobstant comme dessus, et quelconques ordonnances mandemens restrinctions deffenses et l[ect]res a ce contraires Donne a Fontainebleau
l.30 le xxiie [vingt-deuxieme] jour de may. lan de grace mil cinq cens cinquante cinq, et de n[ost]re regne le neufiesme . s. REPLI. Par le Roy levesque dangoulesme me [maistre] des rcq tes [requêtes] orde [ordinaires] de lhostel present Burgensis
REPLI, ANNOTATION (XVIe). Ces p[rese]ntes ont este enreg[ist]rees au gresfs de la court des comptes et finan[ces] en normandie […] mars m [mil] cinq cens cinquante […] REPLI, ANNOTATION. [illisible]
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