Ce cahier de parchemin de 68 pages, fut rédigé à partir du 28 mars 1532 jusqu’au 13 juin suivant par Jehan Lesueur, conseiller au Parlement de Normandie, commis par le roi à l’exécution de l’arrêt du Parlement de Rouen au profit des habitants de la « ville Françoise de Grâce en Caux », au sujet de l’extinction des taxes dues par les habitants du Havre à la prévôté de L’heure et d’Harfleur, sur toutes les marchandises passant par Le Havre.
Ce volume est couvert d’une reliure en peau mégissée datant du XVIe siècle, contemporaine de la rédaction du document manuscrit. Bien conservée, elle comporte encore les lanières de cuir qui permettent de la maintenir fermée. Comme c’est souvent le cas, les cartons constituant les plats de la reliure sont recouverts d’éléments de réemploi : les contregardes utilisent des pages extraites d’un livre imprimé ancien. La typographie gothique sur deux colonnes renvoie à un livre de tradition médiévale, tout comme les lettrines peintes en rouge. Sur la contregarde supérieure, le titre courant « Inventio Sancte Crucis – Translat[io] s[an]cti Audoeni - Maii » indique que le texte imprimé donne les prières propres aux offices des fêtes de l’Invention de la sainte Croix (3 mai), et de la translation des reliques de saint Ouen (5 mai), ce qui plaide pour un missel à l’usage de Rouen, sans doute un incunable, datant donc du XVe siècle. La contregarde inférieure est un feuillet du même missel, le titre courant « Abdon et Sennes – Julii », renvoie au mois de juillet et aux offices propres des saints Abdon et Sennen (30 juillet) qui suivent ceux de saint Samson (28 juillet), des saints Félix, Faustin, Simplice et Béatrice (29 juillet), enfin l’office de saint Germain d’Auxerre (31 juillet), confesseur.
Le roi François Ier avait en effet octroyé aux Havrais par ses lettres patentes de janvier 1530 l’extinction du ressort de la prévôté de L’Heure sur le territoire du Havre. Pour entrer en vigueur, ce privilège important, destiné à attirer de nouveaux habitants au Havre et à favoriser le commerce, dut être enregistré par le Parlement de Rouen. Ce qui fut fait, certes un an plus tard, « oy aussy et entendu le voulloir et declaration du roy par luy verballement faicts à aucuns des presidents et conseillers de la dite court ».
Jean Le Sueur est missionné pour diligenter une enquête destinée à établir exactement ce que recouvre l’exemption, afin d’en faire un tableau qui sera affiché au Havre pour que les habitants et marchands voient ce en quoi ils sont exemptés.
A cette fin, Le Sueur part de Rouen le 1er avril 1532 pour se transporter au Havre, distant de 19 ou vingt lieues. Il arrive le 3 avril au Havre pour loger à l’hôtellerie du Lion d’or, tenue par Guillaume Larcher, car l’hostellerie où pend pour enseigne la « Sallemande », où il a donné rendez-vous aux convoqués est déjà complète.
Le mercredi 4 avril, il va à la Salamandre, tenue par Jehan de La Porte. Commence les auditions à 4 heures de l’après-midi. Il y retrouve Jehan Ferey, receveur des deniers communs de la ville, Laurens Bigot, premier avocat du roi au parlement de Rouen, Jehan Leprevost, procureur de la ville de Grâce, fondé par les lettres de Charles Du Bech, vice-amiral de France, capitaine de Honfleur et du Havre de Grace e date du 29 décembre 1528. Jehan Leprevost a été nommé avec le consentement de Jacques d’Estemauville, escuyer, Robert Darry, Robert Mahieu et Richard Vallentin, élus de la ville, et des bourgeois Robert Cordier, contrôleur, Michel Le Libot, Jehan Porcher, Robert Tyrebarbe et Jehan Delamare, maître Jacques Thirel, Guillaume Cavellyer, Collin Gieffroy, Guillaume Buisson, conseillers, Guillaume Danyel, Jehan Gougeas, Raoullin Vimart, Thieriot Monnyer, quarteniers, Nicolas Raoullin, ecuyer, Jehan de La porte, Jehan Poullain, Michel Ferey, maître Jehan Maze, prêtre, Guillaume Tipot, Helyot Dupuys, Charles Girard, Richard Saubuisson, Jehan Boutteron, Robert James, Raoullin Hurel, Michault Tanquerel, Henry Mouquelin, Jehan Druet, Michel de Breau, Guillaume Desert, Guillaume Briere, Guillaume Larcher, Jehan Huchon, Marguerin Boufz, Guillebert Scot, tous bourgeois du lieu. Enfin, est aussi présent Germain Hebert, avocat et praticien au Havre, se disant un des élus au gouvernement de la ville, lequel est dirigé par quatre élus et huit conseillers, avec le capitaine de la ville et son lieutenant.
Il est alors rappelé que « le roy, meu de grand zèle et affection qu’il a à son royaulme et chose publicque d’icelluy, mesmement de son pays de Normendye, finitive et contigu de la mer, il avoit à grandz et sumptueulx fraisz faict construire et bastir lad. ville et havre de Grâce, et icelle ville nommée et voullu estre à perpétuité décorée de son nom, c’est assavoir la ville Françoyse, comme ayant esté par luy et de son temps commancée, construicte, fondée et édiffiée en lieu presque inhabitable et maresqueulx et dedans la mer, pour illec y estre plus commodément faict, fondé et ediffié led. havre, receptacle de tous navires grandz et petitz, naviguans par la mer, tant pour le faict de la guerre que trafficque de la marchandise, grandement et inestimablement proffictable à la deffence de sond. royaulme et pays de Normendye, et à toute la traffique qui se faict en sond. royaulme tant par mer que par terre ».
Il est établi que les taxes auparavant levées par la prévôté d’Harfleur consistent en : quatre sous pour let de harenc et pour chacune pièce de « fustaille enfonssée plaine » de quelque marchandise que ce soit, quatre deniers pour pièce ; quatre deniers pour chaque balle pleine de quelle que marchandise que ce soit ; pour chaque grenier de marchandise mise en navire, venant par mer, déchargé ou chargé aux limites de la prévôté, seize deniers par grenier ; pour chaque « lect de cuir frais, sec ou sallé », seize deniers pour lect et à l’équivalent, si plus y a ; pour chaque cent de marchandise d’œuvre de poix, soit « cyre, sucre, espycerye, fer ou autre marchandise », quatre deniers tournois pour cent ; pour chaque balle « de pelleterye apportée », quatre denier la pièce.
Outre l’exemption de taxe, les Havrais obtiennent de prendre à ferme et d’acquitter chaque année au roi pour le reste du ressort de la prévôté la somme de 100 livres et les charges comprises, en particulier la rente due aux moines cisterciens de l’Abbaye du Valasse. Robert Nollent, prieur, et Robert Sochon, agissant pour l’abbé Pierre, obtienne le 3 avril la garantie de leur rente de « neuf poises de sel par an ».
Les audiences tenues par Le Sueur se poursuivent jusqu’au 6 avril. Ce jour-là, en la maison du vice-amiral, le commissaire du Parlement donne lecture du tableau des droits supprimés, en la présence des habitants convoqués par Guillaume Herneau et Jehan Morisse, clercs-sergents de l’Hôtel de Ville. Se sont rendus à la convocation : Loys Sanglier, seigneur de Jouey, lieutenant du capitaine de la ville, Jacques d’Estimauville, Germain Hébert, élus, Guillaume Cavellyer, conseiller, Guillaume Danyel, Jehan Ferey, receveur, Jehan Debrye, procureur de l’amiral, Robert Mahieu. conseiller, Tristan Le Vavasseur, greffier de l’Amirauté, Jehan Aubery, Michel Bigot, Jehan Delamare, conseiller, Mathurin Hauville, Pierre Thomas, Jehan Renouart, Jehan Delaunay, Jehan Ricouart, Thomas Petit, Denis Piccot, Jehan Druet, Michaut Nepveu, Jehan Quenart, Charlot Leclerc, Jehan Maze, prêtre, Loys Deuzeboc, Jehan Poullain, Colin Gieffroy, conseiller, Jehan Voysin, Guillot Campenay, Gossin Letellier, Jehan de Vattemare, Pierre Drue, Nöel Lhuillier, Guillaume Pingeon, Jehan Morel, Jehan Fournyer, élu, Guillaume Boyvin, Michel Debreau, Georget Quenin, Jehan Mesmyn, Pierre Durant, Jehan Lhuiliier, Jehan Materaz, Artus Goube, Guillaume Maze, Raoullin Breton, Jehan Douchart, Guillaume Agan, Thomas Pommereul, Martin Martin, Bertram Joyn, Jehan Prévost, Jehan Duhamel, Henry Lequesne, Pierre Delafontaine, Guillaume Berthelot, Oliviers Horslaville, Richard Horslaville, Jehan Delaporte, Joseph de Vatemare, le jeune, Thiénot Monnyer, Jehan Muguet, Robert Cordier, contrôleur de la ville, Guillaume Périer, Philippe Simon, Didier, Lespinglier, Guillaume Piccot, Jehan Vendehart, Jehan Pestel, Damian Hays, Jehan Marc, Guyot Vereul, Robert James, Jehan Le Roy, Jaquelin Bréaulté, Jehan Picquemer, Guessin Patin, Jacques Lecesne. Ont fait défaut bien que convoqués : Robert Duhamel, Guillaume Lacherey, Estienne Chappelle, Joseph Roulland, Jehan Delamare, conseiller, Nicolas Dufresne, Guillaume Mallassine, Roulland, Droué, Guirard, Sene, Robin James, Guyon Brunnelin, Pierre Duval, Jehan Collecte, Jehan Froger, Jehan Noël, Henry Mouquelin, Jehan Galloys, Michault Cantereut, Guillaume Lebourgeoys, Joseph Leboullenger, Colin Boudin, Jehan Lestart, Jehan Leherys, Joseph Gonyas, Jehan Bobée, Richard Tirebarbe, Jehan Clerice, Guilaume Boucher, Richard Vallentin, Joseph Goube, Nicolas Letrant, Michault Huart, Jehan Boulteron, Richard Buisson, Jacques Preaulx, Jehan Porcher, Raoullin Poisson, Martin Delafontaine, Jehan Breton, Raulin Vimart, Richard Faubuisson, Laurent Thirel, Joseph Anger, Robert Mahieu.
L’ordonnance finale est rendue le 13 juin 1532, mais, pressé de rentrer à Rouen pour cause de maladie, Le Sueur n‘a pas le temps de faire établir les deux tableaux prévus. Il en fait faire un, affiché là où se tient la juridiction de la ville, portant déclaration des anciennes taxes. Un autre était prévu dans l’hôtel de ville.
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