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ARCHIVES - LE HAVRE   FR / EN
Vue aérienne du secteur du Rond-Point, 1947 (68Fi96, IGN)
Exposition numérique

Le tunnel Jenner

1933-1944
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Le plan d’urbanisme présenté par le maire Léon Meyer en 1933 comprend un axe de circulation majeur et structurant qui a pour but de relier les villes basse et haute par un tunnel routier dans l’axe du cours de la République. Il s’agit alors dans l’esprit de la municipalité d’accompagner l’urbanisation croissante du plateau et de constituer un réseau routier intra-urbain d’importance nationale et locale desservant toute l’agglomération. C’est à ces titres qu’il sera confirmé par les services de l’État en 1938 puis à nouveau en 1941 lorsqu’il s’agira d’opérer son percement, et enfin achevé au lendemain de la guerre après avoir servi d’abri anti-aérien pour protéger la population civile durant tout le conflit.

Avant le début de la Deuxième Guerre mondiale

  • 1933

    Présentation du plan d’urbanisme comprenant un projet de long tunnel routier placé dans l’axe du cours de la République.
     

  • 1938

    Le projet de tunnel routier est officiellement agréé et confirmé par les services de l’État en 1938.
     

  • 1939

    La guerre est déclarée avant que le statut d’utilité publique soit accordé au plan d’urbanisme défini par la municipalité Meyer et donc, faute de financement, avant que le tunnel ne soit commencé.

 

Pendant la guerre

  • 1940

    Bombardements aériens allemands les 19 et 20 mai puis du 3 au 12 juin ; évacuation des habitants les 11 et 12 ; arrivée des troupes d’occupation dans la ville le 13. Bombardements aériens anglais sur la base navale allemande dès le 15 septembre et jusqu’à la fin de l'année.
     

  • 1941

    La base navale allemande du Havre rassemble une grande flotte d'invasion de l'Angleterre, d’où d’intensifs bombardements aériens anglais toute l'année.

    Le Conseil municipal s’inquiète donc de la nécessité d’offrir des abris souterrains suffisamment solides pour protéger la population. Le maire « offre au Conseil de commencer le percement du tunnel qui doit unir le cours de la République à la rue Louis-Blanc au travers de la Côte. Le début de ce tunnel pourrait être fait et constituerait un immense abri de défense passive. Après la guerre, le tunnel serait achevé et ainsi le travail de défense passive ne serait pas perdu. La section réalisée constituerait une protection pour une partie considérable de la population. » Cette délibération est adoptée à l’unanimité le 5 novembre. Le tracé envisagé est donc un axe sud-nord, perpendiculaire à la falaise, reliant le cours de la République à la rue Louis-Blanc, et non dans l’axe du cours orienté sud-ouest / nord-est. Le projet d’exécution d’un abri-tunnel est validé par le préfet le 19 mais en revenant au tracé d’origine. Il donnera asile à 4 000 personnes debout ou 675 couchées mais les besoins sont bien supérieurs. Le maire propose donc de terminer « le percement de la voie montante du tunnel [en continuant] ces travaux sur 550 m de longueur jusqu’à la rue Louis-Blanc, ce qui permettrait d’abriter 16 000 personnes debout ou 2 475 couchées ». Les travaux du tunnel débutent à l’extrême fin de l’année 1941.
     

  • 1942

    Bombardements aériens anglais de janvier à novembre.

    Le percement de l’abri-tunnel dure toute l’année et fera travailler quotidiennement jusqu’à 120 ouvriers en 1943-1944. (Le Petit Havre du 29 octobre 1942).

    Les déblais servent à remblayer la dépression longeant au nord la rue du Général-Rouelle et une partie du canal Vauban.
     

  • 1943

    Jonction des boyaux nord et sud de la galerie est : « Une galerie de 450 m est réalisée dans l’abri tunnel. Hier […] les deux équipes de mineurs se sont rencontrées » (Le Petit Havre des 30-31 janvier et 2 février 1943).

    Réquisition de la tête sud de la galerie ouest par l’armée allemande en mai 1943 pour en faire en abri chirurgical relié par un souterrain à son hôpital militaire de la rue Henri-IV, puis un dépôt de vivres pour sa marine. Sous le contrôle de l’Organisation Todt, les Allemands procèdent à la construction d’une voûte en béton réalisée par l’entreprise Thireau-Morel. Les galeries transversales sont condamnées et la galerie volontairement inachevée présente un bouchon non percé de 16 m d’épaisseur en direction de la tête nord.
     

  • 1944

    Bombardements particulièrement intenses et meurtriers par l'aviation alliée les 10 et 13 avril, du 2 au 15 juin, le 31 juillet et le 2 août. Siège de la forteresse allemande du 2 au 12 septembre par les troupes anglo-canadiennes. Les 5 et 6 septembre, arasement du centre ville et des quartiers d'Aplemont et de Graville par les bombes alliées occasionnant 2 053 victimes.

    Longue de 620 m, la galerie est, totalement percée, est réservée aux civils qui s’y réfugient chaque soir et à chaque alerte. Le 6 septembre, tout le monde craint la destruction de la ville haute et les Havrais se ruent vers l’abri-tunnel des deux côtés. Sur le coup de 18 heures, les bombes explosives et incendiaires frappent massivement les Acacias, Aplemont et Frileuse. Les habitants de ces quartiers se précipitent alors vers la tête nord mais la galerie est se trouve totalement saturée par les milliers de réfugiés qui s’y trouvent déjà. Plusieurs centaines de personnes en proie à la panique forcent alors l’entrée condamnée de la galerie ouest. Sitôt à l’intérieur, vers 19 heures, une bombe vient exploser à quelques mètres à l’arrière de l’entrée, effondrant la galerie, écrasant ceux qui étaient près de l’entrée et emmurant 325 personnes dans un boyau sans issue de 2 m de largeur sur 120 m de longueur. Les travaux de sauvetage ne peuvent commencer qu’à la fin du bombardement, une heure plus tard, et ne parviennent aux victimes que vers 6 heures le lendemain matin. Il n’y aura que six rescapés, la plupart des victimes étant mortes par asphyxie. Voir le plan et la vidéo de Jean-Marie Châtelier.

    Lettre de l’Ingénieur en chef de la Ville du Havre au capitaine Slade (cote FC/O1-156-2) dirigeant les Civil Affairs pour l’armée américaine en station au Havre. Datée du 25 octobre, soit un mois et demi après la libération de la ville, elle demande à ce que les travaux du tunnel soient repris au titre d’abri anti-aérien de la Défense passive pour la population en y aménageant un bloc chirurgical. Le dépôt de vivres resterait à la disposition des armées alliées.

En savoir plus En savoir +
Le tunnel Jenner au Havre : la tragédie du 6 septembre 1944
Délibération du 22 septembre 1933
Délibérations des 5 et 19 novembre 1941
Article du Petit Havre (29 octobre 1942)
Articles du Petit Havre (30-31 janvier et 2 février 1943).
Lettre de l’Ingénieur en chef de la Ville du Havre au capitaine Slade (1Ofc156-2)
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