Aller au contenu principal
ARCHIVES - LE HAVRE   FR / EN
Plan de l'habitation du Héleu (CP Ch560)
Exposition numérique

Esclaves, commerce et liberté

Le Havre, XVIIe - XIXe siècles

De riches familles de négociants

Thumbnail

La famille Foäche



Martin-Pierre Foäche (1728-1816) est un armateur* et négociant* havrais qui a fait fortune dans le commerce triangulaire*. En 1784, il possède une flotte de 7 navires. En 1800, il achète une maison quai de l’Ile, dans le quartier Saint-François pour en faire sa résidence familiale et y installer ses bureaux. C’est l’actuelle Maison de l’Armateur.

Ci-contre : Martin-Pierre Foäche (1728-1816). Portrait peint en 1784 par Alexandre Roslin, Musées d’Art et d’Histoire du Havre. © F.Dugué F.Carnuccini

Son frère cadet Stanislas Foäche (1737-1806) doit également sa fortune au commerce triangulaire et à ses possessions à Saint-Domingue. La famille Foäche y possède alors des centaines d’esclaves*. Les membres de la famille Foäche, liées à une autre famille importante les Bégouën, ont également des responsabilités officielles. Stanislas Foäche devient secrétaire du Roi en 1776 et Martin-Pierre Foäche conseiller-secrétaire du Roi en 1784.

Thumbnail

Ci-dessus : Vue sur le quai de l'Ile, avec l’actuelle Maison de l’Armateur, photographie de Firmin Kaiser, vers 1850-1860, Archives municipales du Havre, 7Fi97.

 

Les familles Boivin et Colombel

Les Archives municipales du Havre conservent depuis 2010 le fonds d’archives Boivin-Colombel. Il permet de retracer l’histoire de deux familles, moins importantes dans le négoce que la famille Foäche, mais impliquées également dans le commerce avec les Antilles, la traite* et l’esclavage*.

La famille Boivin fournit un autre exemple du lien entre négociants, armateurs et planteurs*. Négociants, originaires du Pays de Caux, des membres de la famille s’établissent en Guadeloupe au milieu du XVIIe siècle et créent une plantation* qui durera près de 200 ans. La famille Boivin s’allie en 1854 aux Colombel, dynastie de capitaines de navires installée au Havre depuis un siècle. La société Colombel pratique le commerce en droiture* mais a également mené trois expéditions de traite entre 1789 et 1791.

Thumbnail

Ci-dessus : Plan de l’Habitation du Héleu, La Guadeloupe, XVIIIe siècle, Bibliothèque municipale du Havre, CP Ch560.

Un commerce lucratif

Le commerce triangulaire* est une activité très lucrative mais qui nécessite un lourd investissement initial. Navires, équipages, cargaison de pacotille*, sont coûteux. Par ailleurs, le retour sur investissement n’a lieu qu’au terme du périple des navires entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, entre 18 mois et 2 ans plus tard. Le document ci-contre appelé « prospectus » présente un modèle d’expédition de traite négrière*. Il fait la promotion de ces opérations et des bénéfices considérables qui peuvent en être tirés par ceux qui souhaitent les financer.

 

Thumbnail
Thumbnail

Thumbnail

Ci-dessus :

1 - Prospectus d’un armement pour faire la traite des Noirs dans le haut de la Côte d’Or calculé pour 750 nègres la première année seulement au moïen des mesures et mises dehors suivantes.. [à partir de Honfleur], Amand Le Carpentier, Le Havre [17]. Bibliothèque municipale du Havre, fonds Lefèvre-Toussaint, Ms 1759.

2 - Résultat de l’opération d’après le Prospectus de Le Carpentier.

Un investissement risqué

Thumbnail

Très lucratives en cas de réussite, les expéditions de traite sont soumises à de nombreux aléas : révolte des esclaves, maladies, actes de piraterie ou fortune de mer…

Ci-contre : Lettre de l’Ambassade de France à Londres résumant l’affaire, Londres, 28 mars 1789, Archives municipales du Havre, fonds Marine 140.

Ci-dessous : la transcription de la lettre

Monsieur,

Comme Son Excellence l'Ambassadeur de France se propose de donner communication à la Cour de l'évènement arrivé au bâtiment le Franc-Maçon, dont le capitaine et partie de l'équipage ont été massacrés par les esclaves à bord et qu'on prétend avoir été vendu par un roi africain au capitaine d'un bâtiment appartenant à des négociants de Bristol, J'ai à vous prier de faire arrêter toute procédure contre le dit bâtiment pour le présent, afin que les propriétaires français puissent être informés de cette affaire, et afin d'avoir le temps de recevoir les instructions qui pourront être jugées convenables.

J'ai l'honneur d'être ...

Les planteurs

Thumbnail

Au milieu du XVIIe siècle, l’aventurier Jean Le Vasseur, devenu gouverneur de l’île de la Tortue, près de Saint- Domingue, prend lui aussi la dimension des bénéfices qu’il pourra tirer du développement de l’esclavage*. En 1646, dans un courrier adressé à son beau-frère Isaac Boivin qui souhaite développer une plantation* en Martinique pour la culture du café, du tabac et de la canne à sucre, Le Vasseur fait valoir son expérience. Il lui conseille ouvertement de remplacer les engagés* européens par des esclaves noirs.

Ci-contre : Portrait de Guillaume Thomas Raynal, dit l’abbé Raynal par Jean-François Garneray, graveur Alix, éditeur Drouhin, Musées d’art et d’histoire du Havre, inv. E.2.



L’Abbé Raynal (1713- 1796) a défini les engagés comme des « espèces d’hommes qui se vendaient en Europe comme esclaves pendant trois ans dans les colonies ». Également appelés les « alloués » ou les « trente-six mois » du fait de la durée du contrat - l’engagement - qui les lie à leur employeur, les engagés, sans salaire, sans liberté et sans repos, sont soumis à la brutalité des planteurs*. Le recours aux engagés s’avère cependant, pour ces derniers, peu efficace. Trop fragiles, ils sont remplacés par des esclaves* venus d’Afrique, habitués aux travaux sous les tropiques.

 

Glossaire

Armateur : Personne ou société qui arme des navires, c’est-à-dire qui exploite les navires en finançant leurs voyages.

Commerce en droiture : Commerce colonial en ligne droite entre les ports européens et les colonies sans pratique de traite.

Commerce triangulaire : Ensemble des échanges appuyés sur la traite négrière atlantique. Les navires européens (bateaux négriers) se rendent sur les côtes africaines pour y échanger des produits et objets contre des Africains captifs. Ceux-ci sont ensuite transportés par bateaux pour être revendus à des propriétaires terriens dans les îles des Antilles ou sur le continent américain. Les navires négriers rentrent ensuite en Europe en rapportant, dans leurs cales vidées des esclaves, les produits tropicaux des colonies : sucre, café, cacao, rhum, tabac, indigo…

Engagé (aussi appelé alloué ou trente-six mois) : Homme signataire d’un contrat d’engagement qui le lie de façon incompressible à un planteur durant 3 ans, temps à l’issue duquel, le contrat prenant fin, il bénéficie librement et gratuitement d’un terrain pour y créer sa propre plantation.

Esclavage : État de soumission absolue d’une personne, propriété d’un maître.

Esclave : Personne en état de soumission absolue à un maître. Assimilé à un bien, l’esclave peut être acheté et vendu.

Négociant : Personne qui, grâce à sa richesse, se livre à une activité commerciale d’achat et vente de produits pour en tirer des bénéfices.

Pacotille : Objets divers manufacturés ou non, tels tissus, perles de verre, miroirs, armes, barres de métal, alcool, poudre à canon, servant de monnaie d’échange contre des captifs.

Plantation : Synonyme d’habitation.

Planteur : Propriétaire d’une plantation ou habitation qu’il dirige pour en tirer des bénéfices par la vente de la production de produits tropicaux.

Traite négrière : Commerce d’esclaves dont les victimes étaient des populations noires.

Galerie